Compte administratif 2020 de la Ville de Paris : après une gestion catastrophique d'Anne Hidalgo durant sa première mandature,les finances de la Ville sont exsangues

Compte administratif 2020 de la Ville de Paris : après une gestion catastrophique d’Anne Hidalgo durant sa première mandature,les finances de la Ville sont exsangues

 

MON INTERVENTION AU CONSEIL DE PARIS - JUIN 2021

Monsieur le Maire,

Chers collègues,

Il est décidément loin le temps où les Andalous nous transmirent les chiffres : cette magnifique invention qui nous permet de calculer autrement qu’en empilant des cailloux ou en usant ses orteils, de « compter avec ses pieds » en quelque sorte.

En lisant ce compte administratif qui nous fait replonger dans un monde d’avant l’invention de la calculatrice, on pourrait en conclure hâtivement que, non, décidément, Madame Hidalgo n’aime pas les chiffres.

Ou alors, vous les aimez faux. Et pas que de l’épaisseur du trait. Car lorsque vous nous dites que les recettes de fiscalité s’établissent à 4 982,2 millions et qu’elles sont en baisse de 107,2 millions, la baisse n’est pas de 4,1% comme indiqué dans le rapport financier : elle est de 2,1%, la moitié.

Pour décrire une même réalité, vos chiffres sont également différents selon les pages du rapport financier, un rapport qui est censé éclairer, et non rendre beaucoup plus complexe, infiniment plus complexe, la lecture des tableaux de chiffres. Les dépenses de dépistage ? 4,6 millions page 8, 2,6 millions page 18. Les droits de stationnement et de fourrière ? 169,69 millions, puis 178,5 millions en page 14. Les exonérations de redevances et adaptations contractuelles pour les concessionnaires ? 46M dans le texte, 43,97 millions dans le graphique. Les exonérations de droit de voirie ? 45,8 millions dans le texte, 25,5 millions dans le graphique censé correspondre. On pourrait continuer longtemps, il y en a beaucoup d’autres.

Bon courage aux citoyens, bon courage à nous pour cet exercice qui devrait être un grand moment de démocratie et de transparence et qui ne répond pas aux exigences prévues par la loi et les règlements. Honnêtement, c’est du jamais vu.

Néanmoins, Madame la Maire, ma conviction n’est pas que vous n’aimez pas les chiffres.

Elle est plutôt que vous adorez raconter des histoires.

Et réconcilier vos histoires avec les vrais chiffres, ceux qui décrivent la réalité, c’est mission impossible.

On imagine vos équipes suant à grosses gouttes, après que des chiffres aient été modifiés dix fois, cliquant sur « accepter toutes les modifications » :  cela a dû être comme un grand saut dans l’inconnu.

Dans ce compte administratif, tout est fait - de la confusion, des silences, des erreurs et du grand n’importe quoi- pour tenter d’illustrer ces histoires qui ne tiennent pas debout, selon lesquelles :

à la Ville aurait aidé les Parisiens et les acteurs économiques, sociaux et culturels de la capitale, grâce à un plan de soutien conséquent ;

à et si la Ville est, financièrement, dans un état catastrophique, il y aurait deux coupables : la crise sanitaire et l’État.

De la confusion, il y en a partout. Et d’abord, en nous empêchant de comparer. La présentation des masses budgétaires par nature, aisément traçables d’année en année, a disparu. Rien ne vous interdisait de le faire pourtant, même si le vote est par fonction.  Et en dernier lieu avec l’amendement 103, qui nous a été donné 2 heures avant la séance, qui ajoute des informations mais aussi des lignes dans l’annexe B9 sans que nous ayons le temps de comparer le texte initial et le nouveau texte du Tome 3 et nous propose un nouveau tome 3 : c’est du grand n’importe quoi et nous voterons contre cet amendement qui nous paraît rendre les choses encore plus éloignées de ce que doit être un compte administratif.

Des silences, il y en a beaucoup aussi. Le bilan social unique, pendant du compte administratif pour les ressources humaines, n’a pas été produit cette année lors de la publication du compte administratif.

Et puis il y a le grand n’importe quoi, une présentation malhonnête du plan de soutien et de l’impact de la pandémie.

  1. Le Plan de soutien d’abord : les 200 millions, c’est une fable, une histoire pour les enfants

On nous dit la chose suivante : le coût de la Covid a été de 800 millions – le chiffre de 1 milliard est même cité en conclusion, sans repère de dates-, avec des recettes en moins et des dépenses en plus. Et « en outre », je cite - ,  la Ville a fait un plan de soutien de 200 millions» , faisant croire que 200 millions supplémentaires ont été dépensées ou non-recouvrés. Une présentation honnête aurait dit « au sein de » et pas « en outre »! -

Ce plan de soutien, parlons-en.

En commission des finances, nous nous sommes inquiétés qu’aucune addition ne tombe sur 200 millions. Il nous a été répondu qu’une partie du plan sera en fait dépensée en 2021. Mais pourtant, il s’agit bien du compte administratif qui fait état des dépenses et recettes sur l’exercice 2020, et page 9, on nous dit qu’il a coûté 200 millions d’euros. Comprenne qui pourra.

Alors, combien ce plan a -t-il réellement coûté ? Eh bien, ça dépend des pages.

En additionnant les mesures effectivement énumérées page 9, la somme est de 186 millions d’euros. Si l’on additionne celles inscrites pages 7 et 8 en revanche, c’est 156,83 millions d’euros. Lorsqu’on se reporte à la suite du rapport, pages 58-59 et 87-88 (économie et culture), on atteint péniblement 120 millions d’euros de moindres recettes ou dépenses supplémentaires exécutées. Je tiens les additions à votre disposition pour ne pas lasser l’auditoire.

Les fameux « 200 millions », c’est de la poudre aux yeux. La réalité, c’est beaucoup moins. Au pire, 50 à 60% en moins.

  1. Les pertes de recettes liées à la crise sanitaire, maintenant : rien ne permet d’avancer le chiffre de 532 millions, comme vous le faites et d’ailleurs, sans aucune justification, page 7.

D’une part, votre référence pour apprécier ces pertes de recettes : vous postulez que toutes les recettes prévues au BP 2020 auraient dû être perçues. Mais je vous renvoie à nos débats du BP 2020, où nous avions démontré à quel point ces prévisions de recettes étaient surévaluées. La base de votre raisonnement est mauvaise.

Mais même si l’on adoptait cette base et votre règle du jeu :  de budget primitif à compte administratif, le compte n’y est pas :

Les estimations de recettes, que nous jugions pourtant surévaluées, étaient prévues à 8 662,8 millions d’euros. Le compte administratif constate 8 250,6 millions d’euros de recettes, soit une différence de 412,2 millions d’euros.

412, et pas 532. D’oû tirez-vous ces 532 millions d’euros de baisse ?

L’écart est de plus de 100 millions, ça n’est pas l’épaisseur du trait.

  1. L’augmentation des dépenses de fonctionnement liée à la crise sanitaire subit également un inacceptable exercice de gonflette.

En page 8 on nous dit que la crise aurait engendré des dépenses supplémentaires de 239,62 millions d’euros.

Quand on regarde le tome 3 du CA, il y a pages 1417 et suivantes un état des dépenses liées à la Covid : j'arrive à un total de 237,86 millions et pas 239,62 millions comme indiqué dans le rapport financier. Tous les chiffres semblent être avoir été changés 10 fois et ensuite, on a oublié de changer le total...

Et de BP en CA, la hausse des dépenses de fonctionnement est de 220 millions d’euros. Cela fait 19 millions de différence. Normal car page 10, il est en fait expliqué que la hausse des dépenses de fonctionnement n’est que de 183 millions d’euros, le reste étant imputable aux dépenses d’investissement.

Non seulement les chiffres sont faux mais pour y parvenir, on a additionné des choux et des carottes, en ajoutant des choses qui n’ont rien à voir avec la crise sanitaire. On lit ainsi, en investissement, une dépense supplémentaire de 33,35 millions, destinée au « Soutien à l’équipement des bailleurs sociaux, afin « de leur permettre de maintenir en 2021 et 2022 la réalisation de travaux et d’équipements visant à améliorer les conditions d’occupation des logements de leur parc ».

En quoi ceci serait-il une dépense due à la crise sanitaire ? Mystère et boule de gomme.

Surtout, votre évaluation des « dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire est une évaluation BRUTE. Vous ne retenez que les dépenses dites « supplémentaires » ; sans jamais évoquer les économies réalisées par ailleurs. Et des économies, il y en a beaucoup!

Quelques exemples :

  • Vous évoquez 11,6 millions de mesures salariales exceptionnelles déclenchées durant le premier confinement. Mais c’est exactement l’équivalent d’économies faites par la Ville sur les dépenses de formation ou liées aux accidents du travail ! En réalité vous n’avez rien donné, vous avez recyclé des économies faites par ailleurs;
  • Vous nous dites qu’il a fallu recruter des agents de ménage en renfort à la DASCO. Certes. Mais combien de vacataires n’ont pas travaillé, et n’ont donc pas été payés durant la période ? On aimerait le savoir
  • Au sein des dépenses sociales, vous mettez l’accent sur le fait que les dépenses RSA augmentent de 29 millions. Outre qu’une partie résulte de la revalorisation du RSA qui n’a rien à voir avec la crise sanitaire, les dépenses sociales liées aux personnes âgées diminuent malheureusement de façon massive : moins 17 millions. Vous n’en tenez aucun compte
  • Vous nous avez rebattu les oreilles avec votre « plan de soutien » en faveur de la culture et du sport. Mais vous oubliez qu’en investissement, la Ville a dépensé 28 millions de moins sur la cuture, et 19 millions de moins dans le sport.

La culture, parlons-en :

Page 9, l’augmentation des dépenses en culture, vie sociale, jeunesse, sports et loisirs est de 22,5 millions d’euros.

Cette augmentation ne se vérifie nulle part :

De BP à CA, en dépense d’investissement, la baisse est de 28,3 millions d’euros (177,4 – 149,1).

En dépense de fonctionnement, la hausse n’est que de 18 millions d’euros (258, 9 => 276, 4 millions d’euros).

Donc au total, un soutien… négatif à la culture.

  1. La dette, enfin…

Vous nous annoncez que la dette imputable à la crise est de 593 millions d’euros.

Sauf que, même en prenant vos propres chiffres d’augmentation des recettes et des dépenses, on n’arrive pas à ce chiffre-là. Peut-être n’y avait-il plus de pile dans la calculatrice ?

Sauf surtout, que vos chiffres de départ sont erronés.

Au total, Madame la Maire, ce n’est pas une couleuvre que vous voulez nous faire avaler, c’est un TITANOBOA, un serpent aux mensurations gargantuesques, le plus gros serpent de tous les temps !

La réalité, c’est que les finances de la Ville de Paris étaient à la dérive dès le budget primitif 2020, résultat d’une gestion catastrophique de la Ville.

La réalité, c’est qu’avec votre « plan de soutien », bien souvent vous avez donné d’une main, une partie de ce que vous aviez pris de l’autre, ou bien économisé avec la crise.

La réalité, c’est que, non seulement la Ville de Paris n’avait plus un sou pour soutenir les Parisiens pendant la crise, mais qu’avec vous, la Ville de Paris n’a plus aucun moyen d’investir, et que la durée de désendettement, avec le niveau de son épargne brute, est désormais de 329 ans. Tout cela pour ne rien faire ou plutôt, malheureusement, tout cela pour dégrader Paris, pour saccager Paris.

Marie-Claire Carrere-Gee

Conseillère de Paris, élue du 14eme arrondissement Présidente de la Commission des Finances au Conseil de Paris Conseillère régionale d'Ile-de-France

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